Journée commémorative de l’abolition de l’esclavage en France métropolitaine.

Discours du 13 mai 2018 dans le cadre de la journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur
abolition.

Seyssins (38180)

« Laissez s’exprimer la voix de la Liberté,

vous sortirez de l’obscurantisme et gagnerez en dignité. »

GDF

Bonjour,

Je voudrais remercier toutes celles et ceux qui honorent de leur présence cette cérémonie.

Merci à la commune de Seyssins, monsieur le Maire, les élus, les responsables d’associations, Alter Égaux, le CASOMI (Président M. Philippe Claude EBROIN) et bien sûr vous, cher public.

2018, nous commémorons le 170ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises (décret du 27 avril 1848). Un décret qui survint après des années de batailles d’idées mais aussi de luttes si minimes soient-elles sur ces territoires exploités !

Ce fut la fin officielle d’un crime contre l’humanité, d’une abomination sans pareille. La réduction d’êtres humains à l’état servile, à l’état de bêtes de somme !

La traite négrière qui a fait les beaux jours, la richesse d’États, de la France pour la citer…. Un commerce honteux légalisé, étatisé et codifié par le tristement célèbre Code Noir de 1685.

170 ans après qu’en est-il de ces colonies érigées en département d’outre-mer ?

Il en reste des ravages, des séquelles, des traumatismes insoupçonnés, des chaines non brisées dans les têtes que l’appartenance à la dite mère patrie n’arrive pas à effacer, même en ayant fait de nous des « assistés ». Vous avez dit réparation ? Vous avez en tête cette splendide devise républicaine : « Liberté – Égalité – Fraternité » ?

Au quotidien c’est une gageure…

On a beau crier que nous sommes français à part entière, il faut se rendre à l’évidence qu’il y a une crise identitaire !

2018 nous commémorons aussi la disparition de deux grands nègres au rayonnement mondial, deux phares pour la pensée humaniste.

Le 50è anniversaire de l’assassinat de Martin Luther King, le 10è anniversaire de la disparition du poète-dramaturge et homme politique de la Martinique Aimé Césaire.

Deux phares disais-je par leur combat non-violent, mais combat de la pensée afin que nul nègre ne soit foulé, bafoué, annihilé dans ce qu’il a de plus précieux, son humanité !

Mais, au-delà de ce combat du peuple noir, ces deux hommes ont porté leur combat à l’universel. Universel dans ce sens que tous les hommes quelle que soit leur origine, leur pigmentation, ont un ADN commun : la VIE et il n’en demeure pas moins qu’ils sont des êtres humains !

Martin Luther King a dit :

« L’Homme bon ne regarde pas les particularités physiques mais, sait discerner ces qualités profondes qui rendent les gens humains, et donc frères ».

Dans son grand cri de la Négritude, Aimé Césaire a su maîtriser et porter la force des mots sur les traces de l’universel.

Il dit (1939) : « Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir ».

En ce 10 mai, qui je le rappelle, est la « journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition ». Une journée pour honorer le souvenir des esclaves et qui a été fixée par le Président J. Chirac sur proposition de Maryse Condé.

Une date symbolique, puisque correspondant à la déclaration de Louis Delgrès du 10 mai 1802 :« A l’univers entier, le dernier cri de l’innocence et du désespoir ».

Rappel historique : Louis Delgrès, né « libre de couleur » à la Martinique. Colonel d’infanterie des forces armées de la Basse-Terre en Guadeloupe. Profondément abolitionniste, il devient en 1802 chef de la résistance contre les troupes de l’armée consulaire.

Le 28 mai 1802, Delgrès se fait sauter avec 300 de ses compagnons au fort de Matouba, symbolisant ainsi son refus de se soumettre au sanguinaire général Richepanse qui avait pour mission le rétablissement de l’esclavage.

La devise : « Vivre libre ou mourir » prenait ainsi tout son sens.

Cette date correspond aussi à l’adoption le 10 mai 2001 de la Loi Taubira reconnaissant la Traite de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité.

En cette journée, je dois dire ma déception de constater qu’à part des actes symboliques émanant de tel ou tel Président, le quotidien des afro-descendants se résume à notre fameux TCHIP !

Le 10 mai n’a jamais été institué pour que nous, noirs de France, de l’Hexagone, honorions la mémoire…

Mais institué, pour que l’État français ait la force de regarder son histoire coloniale nauséabonde et qu’il organise cette cérémonie !

Sur le terrain, hélas on se rend compte que ce sont les associations ultramarines qui mettent en place les différentes manifestations.

Permettez que je sois en désaccord avec cette dérobade institutionnelle.

C’est à l’état français d’informer, d’éduquer avec force visibilité à tous les étages l’ensemble de la population de ces faits historiques. Dire que plus jamais cela ne doit se reproduire et que par la même, regrette et prend ses responsabilités.

Changer le regard des uns vis-à-vis de l’autre, s’appuyer sur le passé pour construire, amène le mieux vivre ensemble !

Il faut avoir à l’esprit qu’un pays est une aire géographique peuplée ou pas ; mais une Nation « Liberté – Égalité – Fraternité »

C’est plus que cela, c’est un vivre ensemble, c’est une cohésion de tous les citoyens quel que soit l’origine, un partage, une confiance entre gouvernés et gouvernants, le contrat social !

N’en déplaise au Président actuel, la Nation n’est pas constituée que d’élites. Il y a tous les autres.

« Dans une gare on ne croise pas des gens qui réussissent et des gens qui sont rien ».

Dans une gare on croise des gens de toute origine, de toute condition et c’est ça la France !

Changer les mentalités, le regard, c’est le travail des institutions mais il faut déjà que l’Etat ait un comportement irréprochable.

Il ne faut pas qu’un représentant d’une de ses institutions, un chef d’escadron de la gendarmerie compare les guyanais à des « paresseux et singes hurleurs », à de « petits caïmans trempant jour et nuit dans l’alcool ».

Souffrez que je ne, que mon peuple ne puisse accepter, tolérer ces injures !

Respectez-nous, nous vous respecterons !

Je vais vous lire un poème d’un ami.

« Poème pour Théo » (Ali Babar KENJAH)

Ne me dites pas

Ne me dites pas que la race

N’existe pas

J’affronte le racisme à mains nues

Sous le soleil

A chaque marée

Ne me dites

Ne me dites pas que la race

N’existe pas

Car elle persifle son décret

Aussi vrai que Coca-Cola

A inventé le Père Noël

Ne me dites pas

Ne me dites pas que la race

N’existe pas

N’existe plus

Aussitôt que je

La prends au mot

Ou comme si mon rêve

Avait éclos

Ne me dites pas

Ne me dites pas que la race

N’existe pas

Que le Code Noir n’existe pas

Que le Père Labat n’existe pas

Que Bonaparte, ce scélérat…

Ne me dites pas

Ne me dites pas que la race

N’existe pas

Allez dire ça à Théo

Allez dire ça aux Traoré.

Je vous remercie pour votre écoute et attention, mais avant de céder la parole, j’aimerais, je souhaiterais que vous ayez à l’esprit en rentrant chez vous, cette réflexion personnelle.

« L’Humanité n’a pas de couleur, le racisme lui, en crée ».

Fred GIRIER-DUFOURNIER

 

 

 

 

 

 

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