Littérature Aimé Césaire

EXTRAITS CHOISIS   DE L’ŒUVRE D’AIME CESAIRE

Extraits du « Cahier d’un Retour au Pays Natal » : (1939)

« Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir. »

« Et surtout mon corps aussi bien que mon âme, gardez-vous de vous croiser les bras en l’attitude stérile du spectateur, car la vie n’est pas un spectacle, car une mer de douleurs n’est pas un proscenium, car un homme qui crie n’est pas un ours qui danse… »

« car il n’est point vrai que l’œuvre de l’homme est finie
que nous n’avons rien à faire au monde
que nous parasitons le monde
qu’il suffit que nous nous mettions au pas du monde
mais l’œuvre de l’homme vient seulement de commencer
et il reste à l’homme à conquérir toute interdiction immobilisée aux coins de sa ferveur
et aucune race ne possède le monopole de la beauté, de l’intelligence et de la force »

« Ma négritude n’est pas une pierre, sa surdité ruée contre la clameur du jour

Ma négritude n’est pas une taie d’eau morte sur l’œil mort de la terre

Ma négritude n’est ni une tour ni une cathédrale »

«  véritablement  les  fils aînés du monde

Poreux à tous les souffles du monde

Aire fraternelle de tous les souffles du monde

Lit sans drain de toutes les eaux du monde

Etincelle du feu sacré du monde

Chair de la chair du monde palpitant du mouvement même du monde ! »

« Eia pour ceux qui n’ont jamais rien inventé

Pour ceux qui n’ont jamais rien exploré

Pour ceux qui n’ont jamais rien dompté

Eia pour la joie

Eia pour l’amour

Eia pour la douleur aux pis de larmes réincarnées »

« Faites-moi rebelle à toute vanité, mais docile à son génie

comme le poing à l’allongée du bras !

faites-moi commissaire de son sang

faites- moi dépositaire de son ressentiment

faites de moi un homme de terminaison

faites de moi un homme d’initiation

faites de moi un homme de recueillement

Mais faites aussi de moi un homme d’ensemencement

faites de moi l’exécuteur de ces œuvres hautes

voici le temps de se ceindre les reins comme un vaillant homme

mais le faisant, mon cœur, préservez-moi de toute haine

ne faites point de moi cet homme de haine pour qui je n’ai que haine

car pour me cantonner en cette unique race

vous savez pourtant mon amour tyrannique

vous savez que ce n’est point par haine des autres races

que je m’exige bêcheur de cette unique race

que ce que je veux

c’est pour la faim universelle

pour la soif universelle

la sommer libre enfin

de   produire de son intimité close

la succulence des fruits. »

voici le temps de se ceindre les reins comme un vaillant homme

mais le faisant, mon cœur, préservez-moi de toute haine

ne faites point de moi cet homme de haine pour qui je n’ai que haine

car pour me cantonner en cette unique race

vous savez pourtant mon amour tyrannique

vous savez que ce n’est point par haine des autres races

que je m’exige bêcheur de cette unique race

que ce que je veux

c’est pour la faim universelle »

. Extraits du  « Discours Sur Le  Colonialisme » : (1955)

« Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente.
Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte.
Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde. »

« On me parle de progrès, de « réalisations », de maladies guéries, de niveaux de vie élevés au-dessus d’eux-mêmes. Moi, je parle de sociétés vidées d’elles-mêmes, des cultures piétinées, d’institutions minées, de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaires possibilités supprimées. On me lance à la tête des faits, des statistiques, des kilométrages de routes, de canaux, de chemin de fer. Moi, je parle de milliers d’hommes sacrifiés au Congo-Océan. Je

parle de ceux qui, à l’heure où j’écris, sont en train de creuser à la main le port d’Abidjan. Je parle de millions d’hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la danse, à la sagesse. Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme. On m’en donne plein la vue de tonnage de coton ou de cacao exporté, d’hectares d’oliviers ou de vignes plantés. Moi, je parle d’économies naturelles, d’économies harmonieuses et viables, d’économies à la mesure de l’homme indigène désorganisées, de cultures vivrières détruites, de sous-alimentation installée, de développement agricole orienté selon le seul bénéfice des métropoles, de rafles de produits, de rafles de matières premières. »

« Je veux parler ici de ce système de pensée ou plutôt de l’instinctive tendance d’une civilisation éminente et prestigieuse à abuser de son prestige même pour faire le vide autour d’elle en ramenant abusivement la notion d’universel, chère à Léopold Sédar Senghor, à ses propres dimensions, autrement dit, à penser l’universel à partir de ses seuls postulats et à travers ses catégories propres. »

. Extrait de « Et les Chiens Se Taisaient » : (1958)

« Est-ce ma faute si par bouffée du fond des âges, plus rouge que n’est noir mon fusc, me montent et me colorent et me couvrent la honte des années, le rouge des années et l’intempérie des jours »

« Je ne suis pas un cœur aride. Je ne suis pas un cœur sans pitié. Je suis un homme de soif bonne qui circule fou autour de mares empoisonnées. »

« Mon nom : offensé ; mon prénom : humilié ; mon état : révolté ; mon âge : l’âge de la pierre. »

. Extraits de « Les Armes Miraculeuses » : (1970)

« Le plus grand des frissons est encore à fleurir

futile »

. Extraits de « Moi, Laminaire » : (1982)

« La justice écoute aux portes de la beauté ; »

« J’ai eu je garde j’ai

le libre choix de mes ennemis. »

Extrait de «   Calendrier Lagunaire » :

« La pression atmosphérique ou plutôt l’historique
Agrandit démesurément mes maux
Même si elle rend somptueux certains de mes mots* »

*épitaphe gravée  sur la tombe du poète au cimetière La Joyaux près de Fort-de-France

. Extraits de « l’Art Poétique » :

« La connaissance poétique est celle où l’homme éclabousse l’objet de toutes ses richesses mobilisées. »

« Le démarche poétique est une démarche de naturation qui s’opère sous l’impulsion démentielle de l’imagination. »

 

Le guide !

La VERTICALITE

Un de nos guides

Quand on voit que l’un des nôtres, Aimé Césaire, s’ériger, nous a légué un bien intellectuel , une certaine approche de notre existence et un savoir faire pour nous extraire de la condition dans laquelle l’HOMME ANTILLAIS avait été mis. Nous sommes redevable d’intégrer cet état d’esprit et cette dimension d’Aimé Césaire.  Nous devons avoir à l’esprit qu’il s’est investi pour nous Antillais et pour la diaspora humaine …

A nous de partager avec les autres ce bien, ce lègue, riche en réflexion et en action.

L’homme n’est pas seulement un poète. C’est aussi un politique. Celui qui donne du sens à la Cité, qui construit celle-ci et la gouverne.

Nous pouvons dire, qu’ Aimé CESAIRE a créé un fondement, une pensée à partir de son espace d’enfant, ses racines et il a contribué fortement à donner du sens, une identité aux peuples des Antilles, de la Martinique, des autres mondes en souffrance.

C’est en cela qu’il est universel et a donné de la verticalité aux peuples soumis au bon vouloir de certain , d’un petit groupe…

Les hommes en souffrance peuvent et doivent s’approprier sa pensée pour comprendre et s’élever à leur tour. chacun à partir de son espace d’existence, de vie. 

Il y a matière à partager à partir des pensées d’Aimé CESAIRE cette révolte qui gronde en chacun de nous , dans des situations de vie exécrables voulues et entretenus par des hommes et des femmes qui ne manquent pas de scrupules. Cette révolte est une obligation du redressement .

Quand je découvre encore les témoignages qui lui sont fait par des intellectuels du monde entier ; je me dis qu’ il y a un monde qui extrêmement humain… et surtout reconnaissant.

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Les  grandes étapes de la vie et de l’oeuvre d’Aimé Césaire

Le 26 juin 1913 : naissance à basse-pointe (Nord de la Martinique)

De 1919 à 1924 : fréquente l’école primaire de Basse-Pointe

A partir de 1931 : arrivée à Paris en tant que boursier. Entre à hypokhâgne au Lycée Louis le Grand. Rencontre Ousmane Socé Diop à la Sorbonne puis Léopold Sédar Senghor au Lycée Louis le Grand. Il fréquente le salon littéraire de Paulette Nardal et y rencontre de nombreux jeunes africains ainsi que Léon Gontran Damas.

1934 : fondation du « Journal de l’étudiant noir » avec léon Gontran damas, Guy Tirolien, Léopold Sédar senghor et Birago Diop. 1ère apparition du terme « négritude » *

1935 : réussite au concours d’entrée à l’Ecole Normale SupérieureIlpasse son été en dalmatie chez Peter Guberina et écrit le « Cahier d’un retour au pays natal »

1936 : il lit la traduction de « L’histoire de la civilisation africaine «  de Frobenius.**

1937 : il épouse une brillante étudiante martiniquaise, Suzanne Roussi.

1938 : il achève l’écriture du « Cahier d’un retour au pays natal ».

1939 : licencié ès lettres, il retourne en Martinique pour enseigner tout comme son épouse au Lycée Schoelcher ***.

1941 : fondation, avec René Ménil et Georges Gratiant la revue « Tropiques » qui sera censurée par le régime instauré par l’Amiral Robert envoyé spécial du gouvernement de Vichy.

découverte par André Breton*** du « Cahier du retour au pays natal »

1943 : rédaction par Breton de la préface du cahier

1944 : rédaction par Breton de la préface des « Armes miraculeuses ». Césaire se rallie au surréalisme.

1945 : il est élue maire de Fort-de-France et député (IXème République)

1946 : il obtient la départementalisation de la Martinique

1947 : il crée avec Alioune Diop la revue « présence Africaine »

1948 : Parution de «  l’Anthologie de la poésie nègre  et malgache » de Léopold Sédar Senghor, préfacé par Jean-Paul Sartre **** : marque  consécration du mouvement de la négritude

1950 : publication du «Discours sur le colonialisme » où il met en exergue la parenté existant antre le nazisme et le colonialisme

1956 : il s’oppose au Parti Communiste français sur la question de la déstanilisation, quitte le PC et s’inscrit au Parti du Regroupement africain et des Fédéralistes.

1958 : fonde le Parti Progressiste Martiniquais où il revendique l’autonomie de la Martinique

De 1958 à 1978 : il siègera à l’Assemblée Nationale comme non  inscrit puis de 1978 à 1993, comme apparenté socialiste.

En 1966 : il est vice-président du Festival Mondial ses Arts Nègres à Dakar

1972 : mise en place du 1er festival culturel de Fort de France avec la collaboration de Jean Marie  Serreau et Yvan labéjol

1974 : mise en place d’une structure permanente au Parc floral de Fort de France et dans les quartiers

1976 : création officielle du SERMAC (Service Municipal d’Action Culturelle) dirigé par Jean-Paul Césaire

1983 : il occupe le siège de Président du Conseil Régional de la Martinique (jusqu’en 1986) et  reçoit à Fort de France   Léopold Sédar Senghor, Président du Sénégal

1993 : cesse son mandat de député

1995 : « Le  discours sur le colonialisme «  et « le Cahier d’un retour au pays natal sont pour la 1ère fois au programme du baccalauréat littéraire

2001 : il se retire de la vie politique et de la mairie de Fort de France ;

Le  23 février 2005 : il réagit à la loi sur les aspects positifs de la colonisation qu’il faudrait évoquer dans les programmes scolaires, loi dont il dénonce la lettre et l’esprit et qui l’amène à refuser de recevoir Nicolas Sarkozy

2007 : il soutient activement Ségolène Royal

2008 : il revient sur sa décision concernant la loi,  suite à la médiation de Patrick Karam, car l’un des articles les plus controversés a été abrogé

9 avril 2008 : il est  hospitalisé pour des problèmes cardiaques

17 avril2008 : il  décède

Le 20 avril 2008 : il a droit à des obsèques nationales.

Le 6 avril 2011 : le Président de la République rend hommage au poète et à l’homme politique Aimé Césaire (1913 – 2008) en dévoilant une plaque dédiée à sa mémoire et à son oeuvre au Panthéon à Paris.

* Concept forgé en réaction à l’oppression culturelle du système colonial français visant à rejeter d’une part le projet français d’assimilation culturelle, d’autre part à promouvoir l’Afrique et sa culture dévalorisées par le racisme issu de l’idéologie colonialiste

** Ethnologue et archéologue allemand, essentiel de l’ethnographie germanique. Frobenius est l’un des premiers ethnologues à remettre en cause les bases idéologiques du colonialisme, en contestant notamment l’idée que les Européens auraient trouvé en Afrique des peuples véritablement sauvages, auxquels ils auraient apporté la civilisation

*** chef de file du mouvement du surréalisme français

**** Père de l’existentialisme Jean-Paul Sartre est un écrivain de langue française, philosophe engagé politiquement dans son siècle, également dramaturge, romancier, nouvelliste et essayiste. L’ »Orphée Noir », préface à l’ »Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française »marque une date dans l’analyse de la négritude .

 

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CHRONOLOGIE DE L’OEUVRE LITTERAIRE D’AIME CESAIRE :

 

1947 : crée avec Alioune Diop la revue Présence africaine. Cahier d’un retour au pays natal, avec une préface d’André Breton

1948 : Soleil cou coupé, Paris.

1949 : Corps perdu, Paris

1950 : Discours sur le colonialisme, Paris

1956 : Et les chiens se taisaient (version théâtrale), Paris. Rupture avec le parti communiste : Lettre à Maurice Thorez ; fonde le parti progressiste martiniquais.

1960 : Ferrements, Paris

1961 : Cadastre (refonte de Soleil cou coupé et de Corps perdu), Paris.

1962 : Toussaint Louverture, Paris.

1963 : La Tragédie du roi Christophe, Paris.

1967 : Une saison au Congo, Paris.

1969 : Une tempête, Paris.

1982 : Moi, Laminaire (poèmes), Paris. Grand prix national de la Poésie.

1989 : poète invité du Festival d’Avignon.

1991 : La Tragédie du roi Christophe entre au répertoire de la Comédie Française.

1994 : Aimé Césaire. La Poésie ; réédition de son oeuvre poétique avec un recueil inédit : Comme un malentendu de salut, Paris.